Depuis maintenant 16 ans, j’ai accompagné de nombreuses personnes avec des traumatismes qu’ils soient grands ou petits… 

Depuis que je suis en libéral, j’accompagne de nombreux  professionnels de la santé et de l’accompagnement qui côtoient de plus en plus de personnes en grande souffrance psychique. Je suis toujours touchée quand un médecin peut venir me questionner sur comment il peut faire pour se protéger et ne pas vivre ce que vit son patient ? Comment ne pas être impacté quand sa patiente raconte dans les détails les plus précis son viol ? Ou encore, comment une infirmière vit le fait qu’elle est impactée par la détresse des familles dont la personne a été hospitalisée pour la Covid avec un état sévère ? 

J’ai parfois été moi-même impacté fortement par certains patients. Je garde le souvenir d’une dame me racontant en détails son accouchement qui a été catastrophique. J’ai imaginé toutes les images, les odeurs… J’ai été prise d’un grand malaise et d’une envie de vomir à ce moment-là. Pour m’aider à reprendre pied, je lui propose un verre d’eau, ce qui m’aiderait à mettre de côté ces sensations et couper avec les flashes black. 

En clair, comment faire face à toute cette souffrance que vous entendez tous les jours sans éprouver vous-même de la détresse ? 

 

Ces situations sont douloureuses. Elles demandent beaucoup physiquement, cognitivement et psychiquement parlant. Si en tant que soignant, je suis moi-même fragiliser pour des raisons diverses (fatigue, séparation, maladie…), j’ai de grand chance d’être plus sensible et impacter par ce que les personnes me racontent. 

On peut parler de traumatisme vicariant quand en tant que professionnel de l’accompagnement on se sent contaminé par le vécu traumatique d’une autre personne avec laquelle elle est en contact. On peut aujourd’hui penser que le système des neurones miroirs joue probablement un rôle dans cette transmission, notamment par contamination physiologique et sensorielle. 

Qu’est-ce que le trauma vicariant ? 

 

Mc Cann et Pearlman en 1990 font référence aux expériences traumatiques vécues par des thérapeutes travaillant avec des survivants. Ultérieurement, leur définition est étendue par Karen Saakvitne et ses collègues à un plus large groupe de personnes qui inclut tous ceux aidant des survivants ou des personnes traumatisées (Saakvitne et al., 2000), telles que les gens du clergé, les travailleurs sociaux de première ligne, les professionnels du système judiciaire, les prestataires de soins. 

Le traumatisme vicariant s’inscrit plus spécifiquement dans la relation thérapeutique. C’est le fait d’entendre et de vivre de façon répétée des évènements perturbants et traumatiques, tel que subir de l’agressivité, ou être témoin d’une détresse telle que l’envie de suicide, ou le fait que la personne raconte son propre trauma. Ainsi le professionnel de santé réagit comme si ces événements étaient les siens, l’amenant à un état d’hypervigilance, un état de stress avec reviviscence du trauma ce qui vient parasiter la relation à l’autre, voire une tendance à s’isoler.

Quelles sont les conséquences professionnelles, sociales du trauma vicariant ?

 

Il est clair que le traumatisme vicariant peut avoir plusieurs conséquences sur le soignant : 

– Un état de stress post traumatique avec reviviscence des scènes traumatiques racontés par son patient, état de stress et hypervigilance. Le soignant peut avoir envie de s’isoler pour ne plus entendre ce que dit l’autre. Il peut avoir  besoin de plus en plus de s’isoler par peur de comment va se passer le prochain entretien avec ce patient. J’ai souvenir d’une infirmière qui n’arrivait plus à aller chez un monsieur à domicile tellement elle ne supportait plus ses plaintes et sa détresse. Elle n’en dormait plus de la nuit.   Ainsi, le traumatisme vicariant vient mettre en branle les convictions, les valeurs et les croyances du professionnel de santé. Son cadre de référence est attaqué, il se modifie, se sentant de plus en plus impuissant face à l’océan de douleur. Ce qui amène parfois à des questions plus profondes : est-ce ma vocation que d’entendre en permanence la douleur des autres ? Il change radicalement sa vision du monde, ce qui à terme peut amener à une autre conséquence : 

– L’usure de compassion ou fatigue de compassion. En tant que professionnel nous sommes amenés à être empathique, ce qui est une composante de la relation d’aide. Cette usure apparait donc quand le professionnel de santé ou de l’accompagnement est exposé fréquemment à des situations de détresse ou à de grandes souffrances. A la différence du trauma vicariant, la personne ne vit pas le trauma de ses patients, ni ne présente un ESPT. Elle a un état d’épuisement et une saturation de la relation thérapeutique qui fait que le professionnel devient hypersensible et ne supporte plus les émotions de ses patients et de son entourage. Il y a une saturation émotionnelle.   

La personne peut ressentir un sentiment de vide, elle ne se sent plus aidante. Elle est anéantie et épuisée par le simple fait d’aider l’autre. Elle est vidée de son énergie, tout parait difficile ce qui amène également à une remise en question de ses valeurs et de sa vie. 

 

Traumastisme

Quels sont les moyens de prévention du trauma vicariant ? Comment exercer ce métier longtemps…et avec plaisir ? 

 

Comme vous l’avez compris, tout professionnel de santé et de l’accompagnement n’est pas à l’abri  d’un traumatisme vicariant ou d’une usure de compassion. Plusieurs stratégies existent pour atténuer les symptômes du traumatisme vicariant : 

Reconnaitre le phénomène et les signes du traumatisme vicariant

Il est essentiel de reconnaitre les symptômes et d’avoir une connaissance des risques. En permettant une reconnaissance, cela permet d’être attentif à la manière dont nous sommes en relation avec les personnes que l’on accompagne. Ainsi on  peut évaluer l’impact qu’ont les expériences et les vécus de nos patients sur nous. On peut ainsi se poser la question : qu’est-ce que ce patient provoque en moi ? En quoi cela m’impacte ? Qu’est-ce que je ressens au niveau émotionnel et dans  mon corps ? Est-ce que quand j’ai fini mon travail, je continue à penser ou à être inquiète pour tel ou tel patient ? 

Il peut m’arriver pour ma part, de continuer à penser à certains patients après avoir fermé la porte de mon cabinet, car je peux ressentir de l’inquiétude pour eux suite à leur détresse. Pour moi, cela me donne aussi des indications sur mon investissement auprès de certaines relations thérapeutiques et de chercher à comprendre qu’est ce qui se joue. 

Autogestion et soutien

Comme j’ai pu le dire dans l’article sur le burn out et dans l’article sur la gestion du stress, il est important d’avoir un équilibre sain. Voici quelques solutions : 

 

1 – Adopter une hygiène de vie saine

 

Manger équilibré, avoir un sommeil réparateur, avoir un exercice régulier ou une activité physique régulière constitue des éléments essentiels et ressourçant vis à vis du stress du métier. Il est nécessaire d’avoir une activité nourrissante régulière qui nous amène à nous détendre, à nous sentir plus léger. 

 

2 – Organiser son temps

 

Organiser son temps, avoir des pauses régulières, entretenir des relations satisfaisantes avec sa famille ou des amies est une manière de gérer sa charge de travail et de s’accorder du temps pour récupérer. Prendre le temps de s’occuper de ses besoins, s’offrir le plein d’émotions positives à travers des activités qui vous font plaisir. A vous de voir ce qui vous apaise !!!

 

3 – Savoir mieux gérer ses émotions et ses réactions. 

 

Il est clair qu’une bonne gestion de ses émotions et de ses réactions avant, pendant et après une intervention thérapeutique de relation d’aide permet de prévenir le traumatisme vicariant. Si  durant un entretien ou une visite, le professionnel ressent une trop grande intensité émotionnelle négative ou au contraire, qu’il se sent flotté ou engourdi cela nous donne des alertes sur la manière dont nous sommes en relation. A ce moment-là, on peut aller consulter un confrère pour travailler sur ce qui se passe ou être supervisé. 

 

4 – Se sentir outillé vis-à-vis du public qu’on accueille 

 

Se sentir outillé au travers de groupe de soutien avec les mêmes pairs tel que des groupes de parole, participer à de la supervision sont essentiel pour se sentir moins isolé et surtout comprendre ce qui se joue dans la relation thérapeutique. 

La supervision est une invitation à réfléchir  sur ce que les professionnels mettent en jeu  en tant que personne et professionnel dans leur pratique quotidienne.  Elle facilite un changement de regard par la découverte d’un nouveau sens à donner aux problématiques. Elle favorise les échanges et le partage des pratiques des vécus professionnels. Elles nous permettent de mieux connaitre nos limites et d’éviter la sensation d’être piégé, dépassé ou impuissant. 

Le cadre de la formation et poursuivre son développement personnel sont aussi une manière de se sentir plus confiant dans sa pratique, et se sentir plus compétent dans l’aide que nous apportons. Au travers des formations, cela nous permet aussi de nous questionner sur notre place et ne pas chercher à trouver la solution à tout prix. Les familles, les patients ont des forces et des capacités, ne l’oublions pas ! 

Si dans cet article, vous avez le sentiment de vous retrouver dans le traumatisme vicariant ou dans l’usure de compassion… que vous vous sentez parfois « borderline »avec certains patients ou avec vous même…

Vous vous questionnez sur des solutions possibles… 

Je vous propose d’intégrer un groupe de supervision que je propose auprès des professionnels de santé et de l’accompagnement… Cliquez ici

Vous n’êtes pas encore sûr et vous vous voulez juste avoir des informations, n’hésitez pas à m’envoyer un mail contact@sylvie-ciliegio.fr ou à échanger avec moi sur Linkedin ou au téléphone au 0676080441. 

Sylvie Ciliegio
Auteur du Blog « Retrouver le plaisir d’exercer sereinement »,Psychologue clinicienne, psychothérapeute  et superviseuse en thérapie familiale systémique, praticienne EMDR Europe spécialiste en psychotrauma, formatrice, Sylvie Ciliegio accompagne les professionnels de santé et de l’accompagnement à retrouver le plaisir d’exercer sereinement  sans sacrifier son temps libre, sa santé et sa famille.
16 ans d’expérience  de travail en cabinet et en institutions : psychiatriques, associatives, éducatives. Elle est membre accréditée à EMDR Europe. Présidente de l’association Walam, association à but humanitaire. Sylvie pratique depuis 2002 en cabinet libéral dans le Gard, elle reste nomade dans ses interventions de supervision et de formation.